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Parmi les tablettes en argille retrouvées à Hattuša, le contenu d’un certain nombre d’entre elles était expimé dans des langues différentes du hittite. Outre l’akkadien et le sumérien (plus rare), apparaissaient la langue hattie, autochtone de l’Anatolie, la langue hourrite, parlée par une ethnie établie dans le sud de l’Anatolie, en Syrie et en haute Mésopotamie et enfin deux langues indo-européennes, le palaïte et le louvite.
Ce dernier en particulier est fort bien attesté à travers deux types de documents:
1) les tablettes cunéiformes d’Hattuša qui conservent des mots, souvent marqués de glosses, des phrases et des compositions entières rédigées dans cette langue définie par les scribes hittites luwili “à la manière louvite”;
2) les inscriptions monumentales en louvite du IIe et du Ier millénaire tracées en écriture hiéroglyphique. Ces inscriptions étaient déjà connues des voyageurs du XIXe siècle qui, cependant, ne pouvaient en connaître ni la langue ni la nature.
Étant une langue indo-européenne, le louvite est de type flexionnel. Du proto-anatolien des origines à partir duquel s’était formé aussi le hittite, se serait détachée une branche occidentale. De celle-ci seraient nés aussi bien le palaïte que le louvite.
La documentation en langue louvite provenant d’Hattuša, écrite en graphie cunéiforme, est essentiellement à caractère magique et rituel et couvre une période qui va du XVe siècle jusqu’à la fin du XIIIe siècle. B. Hrozný (1920) avait déjà observé qu’il s’agissait d’une langue dotée de caractéristiques différentes par rapport au hittite.
Des témoignages en langue louvite exprimés à travers la graphie hiéroglyphique commencent à apparaître à l’époque néo-impériale dans les inscriptions rupestres des souverains hittites (XIIIe siècle). Toutefois, la majeure partie des inscriptions provient des états de l’Anatolie méridionale et de la Syrie qui se sont formés entre le XIIe et le VIIe siècle après la chute de l’empire hittite. Outre les monuments rupestres, on possède quelques lettres et des documents économiques sur des bandes de plomb.
Les Louvites étaient vraisemblablement la composante ethnique majoritaire de l’Anatolie. Ils occupaient l’Anatolie occidentale qui comprenait la Troade (Wiluša) et le royaume d’Arzawa sur la côte de la Méditerranée, l’Anatolie centrale dans l’aire de l’actuelle ville de Konya, la côte méridionale de la Méditerranée dans le territoire appelé Lukka dans les sources hittites, l’Anatolie sud-orientale correspondant à la région appelée Kizzuwatna dans les textes et caractérisée par un amalgame d’éléments culturels louvites et hourrites. Cependant, à l’heure actuelle, des tablettes écrites en louvite cunéiforme proviennent seulement de la capitale du royaume de Hatti. Par contre, on a retrouvé dans ces régions du matériel en louvite hiéroglyphique.
On pense que durant la phase finale de l’empire hittite les louvites étaient devenus l’ethnie prédominante également sur le territoire autour d’Hattuša et que, par conséquent, ils avaient relégué le hittite au rang de simple langue administrative. Cette hypothèse doit être cependant considérée avec prudence car le hittite, avec ses variations grammaticales et syntaxiques, apparaît comme une langue vivante jusqu’à la fin de l’empire. Mais il est certain que le louvite a influencé énormément la langue hittite tout au long de son histoire et ce dès l’époque ancienne, ainsi que le révèlent les nombreux mots du lexique qui, bien que dérivant du louvite, sont parfaitement adaptés à la structure du hittite. Par la suite, à partir du XIVe siècle, on voit de multiplier les cas de termes louvites modifiés par des flexions selon les règles de cette langue, insérés dans le vocabulaire hittite et très souvent marqués à travers l’usage de glosses.
Bien que les expressions ‘cunéiforme” et “hiéroglyphique” indiquent deux types d’écriture, elles sont utilisées aussi pour indiquer deux variantes de la langue louvite. On parle en effet de “dialectes” pour souligner les différences qu’il y a entre la langue exprimée dans la documentation louvite cunéiforme et celle des inscriptions en hiéroglyphique. On relève des différences de type phonologique mais aussi des dissemblances dans la flexion verbale, pronominale et nominale qui, bien qu’infimes, induisent à penser qu’il s’agit là de deux branches de la même langue et qu’elles ne peuvent être imputées uniquement à un développement chronologique autre.