- Présentation
- Les Écritures
- Approfondissements
Le sumérien, la première langue écrite que l’on connaisse, fut appelée par les Sumériens eme-ki-en-gi-ra, “langue de Kiengir (pays natal)”, ou eme-gi7(-r), “langue natale”, tandis que les akkadophones l’appelaient lišān Šumeri(m), “langue de Sumer”. Il est attesté comme langue parlée dès la fin du IVe et le début du IIIe millénaire av. J.-C. et ce jusqu’aux premiers siècles du IIe millénaire av. J.-C., bien qu’il continue à être utilisé comme langue écrite et culturelle dans les écoles scribales jusqu’au Ier millénaire av. J.-C. Après sa disparition comme langue vivante, le sumérien a été employé par les scribes akkadophones comme langue littéraire, culturelle et liturgique. Les derniers mots sumériens se retrouvent dans l’écriture grecque sur les tablettes d’argile gréco-babyloniennes (Ier siècle av. J.-C. – Ier siècle de l’ère chrétienne) qui témoignent de la fin de la tradition de l’écriture cunéiforme en Mésopotamie. D’une manière générale, le sumérien était parlé dans la Basse Mésopotamie, plus ou moins depuis l'aire de Nippur (Nuffar) vers le sud. Jusqu’à présent aucune affiliation linguistique de la langue des Sumériens n’a été trouvée et les tentatives faites pour rattacher cette langue isolée à des langues anciennes ou modernes n’ont abouti à rien de concret. De plus, comme la plupart des textes sumériens ont été rédigés par des locuteurs non sumériens après la disparition de cette langue, une description du développement historique du sumérien s’avère bien compromise. Les éléments caractéristiques de la langue sont l’agglutination (les mots sont des séquences de morphèmes distincts), l’ergativité (lorsque le sujet de verbes intransitifs et l’objet de verbes transitifs sont indiqués de la même manière) et un système de classe du nom (plus précisément une opposition entre les noms animés et les noms inanimés). Le lexique se signale dans la grande majorité des cas par des mots monosyllabiques et bisyllabiques, dont beaucoup sont homophones. Les noms et les verbes sont exprimés par un mot mono ou bisyllabique qui peut être modifié par un certain nombre de préfixes et de postfixes. Le nom sumérien présente diverses terminaisons casuelles: ergatif, absolutif, génitif, datif, comitatif, ablatif instrumental, locatif, locatif terminatif. Sa continuelle interaction avec l’akkadien au cours des siècles a conduit au développement d’une aire suméro-akkadienne sous l’effet de tout un ensemble d’influences réciproques entre les deux idiomes. Suite à la disparition de la langue et de la civilisation sumériennes, les Sémites de la Mésopotamie continuèrent à apprendre leur idiome et leur littérature, héritant ainsi de nombreux éléments culturels de leur civilisation et favorisant leur transmission à d’autres sociétés du Proche-Orient ancien. Certains textes doctes écrits en sumérien attestent l’usage du dialecte eme-sal, une sorte de “langue fine” (souvent traduit par “langue des femmes”) employée pour écrire des formes grammaticales et lexicales dans certaines compositions littéraires comme les hymnes et les lamentations. La majeure partie des textes en eme-sal remontent à la dernière phase de la période ancien-babylonienne. De nombreux textes cunéiformes mésopotamiens sont écrits en sumérien, tels les documents économiques, administratifs et juridiques, les inscriptions royales, les oeuvres littéraires (par exemple les mythes, les hymnes, les écrits épiques), les incantations, les proverbes, les textes liturgiques et les lamentations. Au IIe et au Ier millénaire av. J.-C., le sumérien survit à Babylone et en Assyrie comme langue écrite et culturelle dans les écrits littéraires et les inscriptions royales. En fonction de la période historique où ont été rédigés les textes sumériens, on peut distinguer trois grandes étapes de la langue: le vieux sumérien ou sumérien classique (textes datant d’env. 2600 av. J.-C. à la fin de la dynastie d’Akkad, env. 220 av. J.-C.), le néo-sumérien (env. 2200-2000 av. J.-C.) et le post-sumérien (ou sumérien de l’ancienne Babylonie, env. 2000-1600 av. J.-C.). On peut également distinguer une dernière phase de la langue connue comme étant celle du sumérien tardif (env. XXe-XVIIIe siècle av. J.-C.) et du post-sumérien (après 1700-1600 av. J.-C.). Des textes en sumérien étaient étudiés dans les écoles scribales de l’ancienne Babylonie afin d’apprendre l’écriture cunéiforme et d’acquérir des compétences tant dans la langue sumérienne comme langue de culture que dans les genres littéraires sumériens.
Mésopotamie: aire de diffusion de la langue sumérienne et de l’écriture cunéiforme
La région sumérienne était la Mésopotamie méridionale qui incluait les villes de Nippur (Nuffar), Lagash (Al-Hibba), Uruk (Warka), Ur (Muqayyar), Eridu (Abu Shahrain), Kish (Oheimir), Adab (Bismaya), Umma (Giokha), Shuruppak (Fara), Girsu (Telloh) ainsi que d’autres centres. Le lieu d’origine des Sumériens et de leur langue est encore actuellement l’objet d’un débat parmi les chercheurs. De même qu’on ignore si le sumérien était parlé aussi dans d’autres aires. À travers la diffusion de l’institution de l’école scribale dans les villes de la Mésopotamie, le sumérien devint une partie fondamentale du cursus studiorum des scribes. L’apprentissage du sumérien était en effet nécessaire pour apprendre l’écriture cunéiforme. Le système d’écriture cunéiforme, adopté au début pour enregistrer la langue sumérienne, fut utilisé ensuite par les Sémites et par d’autres populations du Proche-Orient pour écrire leurs propres langues entre le IIIe et le Ier millénaire av. J.-C. Hors de l’aire sumérophone proprement dite, le cunéiforme fut employé avec un certain nombre de modifications pour écrire l’akkadien (dialectes de l’akkadien ancien, babylonien et assyrien), le hittite, le hourrite, l’élamite et le vieux-perse.