Mnamon

Les écritures anciennes de la Méditerranée

Guide critique des ressources électroniques

Méroïtique cursif et hiéroglyphique

- IIIe siècle av. J.–C. - IVe siècle ap. J.–C.

par: Daniele Salvoldi       DOI: 10.25429/sns.it/lettere/mnamon051     (traduction révisée par Nicole Maroger)
Dernière mise à jour: 11/2023


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Inscription en méroïtique cursif, 1er siècle après J.-C. (Munich)


La langue méroïtique a été écrite à partir du IIIe siècle avant J.-C. à l'aide de deux systèmes d'écriture distincts, la cursive méroïtique et le hiéroglyphe méroïtique, beaucoup moins répandu. Il s'agit de deux systèmes d'écriture alpha-syllabique, ne comportant que vingt-trois caractères et un signe de ponctuation. Le méroïtique s'est éteint au IVe siècle après J.-C. avec l'effondrement de l'empire koushite.


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Index

La culture orale

Bien que la langue méroïtique soit attestée dès le IIe millénaire avant J.-C. (à travers des noms de personnes, de tribus et de lieux apparaissant dans des textes égyptiens écrits), un système d'écriture lui étant propre n'apparaît qu'au IIIe siècle avant J.-C. Pendant la période florissante de Kerma (vers 2500-1500 av. J.-C.), l'empire koushite est donc administré sans écriture, signe de l'importance de la culture orale et de la réticence à mettre quoi que ce soit par écrit. L'écriture (hiéroglyphique égyptien, hiératique) a été introduite en Nubie sous la XVIIIe dynastie égyptienne (1550-1292 av. J.-C.) et est restée en usage pendant toute la période d'occupation coloniale (qui a duré environ cinq cents ans) pour rédiger des textes en langue égyptienne. Après le retrait des forces égyptiennes entre le Nouvel Empire et la Troisième Période Intermédiaire, à la fin du IIe millénaire avant J.-C., l'intérêt pour l'utilisation de l'écriture s'est rapidement estompé, pour réapparaître au VIIIe siècle avant J.-C. avec la 25e dynastie nubienne, qui est remontée du cœur de l'empire koushite jusqu'en Égypte, qu'elle a réunifiée et conquise. Il ne fait aucun doute que les jeunes Koushites ont été formés à l'utilisation de la langue et de l'écriture égyptiennes au cours de ces deux périodes.


Introduction à la cursive et au hiéroglyphe méroïtiques

Après la perte de l'Égypte de la part des souverains koushites au cours du deuxième quart du VIIe siècle avant J.-C. et le retour de ses souverains dans la moyenne vallée du Nil, d'abord à Napata puis à Méroé, l'écriture et la langue égyptiennes sont restées en usage jusqu'au IIIe siècle avant J.-C. Elles ont alors été supplantées, dans les documents, les inscriptions funéraires et les stèles royales, par la langue locale et par deux nouveaux systèmes d'écriture : d'abord la cursive dite méroïtique, dérivée en partie du démotique égyptien ; puis le hiéroglyphe méroïtique, indépendant de la cursive, mais dérivé en partie du hiéroglyphe égyptien et réservé aux murs des temples. Le premier texte cursif datable avec certitude remonte à 200 av. J.-C. et mentionne le qore (roi) Arnekhamani. L'existence d'autres inscriptions dont les caractères semblent moins évolués suggère que l'introduction de la cursive remonte au moins au IIIe siècle av. J.-C. En revanche, le plus ancien texte datable en hiéroglyphe méroïtique est le double cartouche du qore Taneyidamani, datant d'environ 150 av. J.-C. Contrairement au hiéroglyphe égyptien, le hiéroglyphe méroïtique n'a donc été introduit qu'après l'invention de la cursive.

Si la cursive est paléographiquement plus intéressante, pouvant se référer à au moins trois phases principales (archaïque, transitoire et tardive) et plusieurs sous-phases, le méroïtique hiéroglyphique était une écriture beaucoup plus stable. Les analyses paléographiques permettent de dater un texte cursif avec un écart d'une cinquantaine d'années.

Le dernier texte daté en méroïtique cursif est l'inscription de Kharamadoye, roi des Blemmi (410-20 ap. J.-C.), tandis que le dernier texte daté en méroïtique hiéroglyphique figure sur un objet provenant du trousseau funéraire d'un prince Noba enterré à al-Horbagi vers 350 ap. J.-C.


L'écriture

L'écriture méroïtique a été déchiffrée en 1909 par Francis Llewellyn Griffith (1862-1934), qui a pu déterminer le sens de lecture correct, c'est-à-dire de droite à gauche, et isoler les vingt-trois caractères de la cursive. C'est Fritz Hintze (1915-1993) qui a découvert qu'il s'agissait d'une écriture alphasyllabique : une voyelle /a/ était toujours ajoutée par défaut aux consonnes (par exemple ba, ma, na), tandis qu'un modificateur était ajouté pour obtenir une syllabe avec une voyelle différente ou sans voyelle. Premier des systèmes d'écriture anciens, la cursive méroïtique comportait des signes de ponctuation (deux ou trois points verticaux utilisés pour séparer les mots). Contrairement à d'autres écritures anciennes, aucun texte proprement bilingue ne nous est parvenu ; l'une des rares exceptions est une jarre trouvée parmi les objets funéraires de la reine Nahirqo, dans laquelle une courte étiquette en démotique égyptien (irp n Kmy, "vin d'Égypte") est accompagnée d'un texte méroïtique (Qomo-s-o, "ceci vient d'Égypte").


Les supports

Si la principale distinction entre l'égyptien hiéroglyphique et le hiératique ou le démotique réside dans l'utilisation monumentale ou documentaire de l'écriture, cette distinction ne s'applique pas au méroïtique : l'écriture cursive est en effet aussi très souvent présente sur la pierre. L'évolution des signes vers des formes moins anguleuses et plus allongées suggère une utilisation constante sur des supports tels que le papier de papyrus, dont il ne reste cependant que très peu d’exemplaires à Qasr Ibrim en Basse-Nubie. Le reste des textes n'a pas encore été découvert ou a été détruit en raison des conditions climatiques très humides du Soudan. La plupart des textes en méroïtique ont donc été trouvés sur des supports en pierre : stèles, murs, tables d'offrandes.


Les textes

Les témoignages méroïtiques sont très peu nombreux : un peu plus de deux mille inscriptions en une centaine d'années de fouilles archéologiques. Quarante pour cent des textes sont des épitaphes sur des stèles funéraires ou des tables à offrandes. Une vingtaine de stèles royales gravées sur grès ou granit sont également conservées. Il existe également plusieurs proskynemata, des graffitis d'adoration gravés sur les murs des temples par les pèlerins : on en trouve à Philae, Kawa et Méroé. Sur les murs des temples, les inscriptions des images de dieux et de souverains étaient généralement rédigées en hiéroglyphes méroïtiques. Elles ne sont pas très nombreuses, la plupart ayant été rédigées sous le règne de Candace (reine-mère) Amanitore et du qore Natakamani au 1er siècle av.

Des inscriptions plus courtes, généralement sur des ostraca ou des éclats de pierre, consistent en des décrets oraculaires amulétiques émis par des prêtres méroïtiques, des documents comptables et des étiquettes sur des objets funéraires.