Mnamon

Les écritures anciennes de la Méditerranée

Guide critique des ressources électroniques

Proto-sinaïtique

- XVIIIe-XIVe siècle av. J.-C.

par: Paolo Merlo    DOI: 10.25429/sns.it/lettere/mnamon018    (traduit par Nicole Maroger)
Dernière mise à jour: 3/2022


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Le terme “protosinaïtique” désigne les inscriptions les plus anciennes rédigées en écriture alphabétique de type linéaire-pictographique, découvertes il y a près d’un siècle à Serābiṭ al-Khādim, une mine de cuivre et de turquoise située dans la péninsule du Sinaï.

Cette dénomination sert à distinguer ces inscriptions anciennes de celles plus récentes retrouvées dans des zones proches – comme par exemple les inscriptions nabatéennes – en même temps d’inscriptions tout aussi anciennes mais découvertes en Palestine et appelées “protocananéennes”.

L’écriture protosinaïtique est de type alphabétique consonnantique (abjad), ce qui signifie que la notation graphique de chaque phonème consonnantique est fournie par un seul signe sans indiquer graphiquement les voyelles. Ce système est identique dans les anciennes langues sémitiques. En raison de la brièveté de nombreuses inscriptions, il n’est pas toujours possible de déterminer la direction de l’écriture.

Le corpus des inscriptions protosinaïtiques actuellement connues en compte plus de trente. Certaines sont très courtes (trois-quatre signes), d’autres plus longues.

Étant donné l’absence d’un contexte stratigraphique pour ces inscriptions, leur datation absolue est encore sujette à controverses. La majorité des spécialistes fait remonter les plus anciennes aux alentours des XVIIIe-XVIIe siècles av. J.-C. (cf. Sass 1988, 135-144; Hamilton 2006), tandis que d’autres penchent pour une datation plus récente vers les XVIe-XVe siècles av. J.-C. (cf. Albright). Sass 2004-05 a proposé récemment d’abaisser encore le seuil de ces estimations.


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Découverte

La découverte de ces inscriptions protosinaïtiques a eu lieu en fait d’une manière plutôt indirecte et fortuite, au cours de fouilles égyptologiques. Les premières nouvelles concernant d’anciennes incisions du Sinaï réalisées dans une écriture alors inconnue remontent à la fin du XIXe siècle. Petrie découvrit plusieurs nouvelles inscriptions pendant la campagne de fouilles de 1904-1905 dans les mines de Serābiṭ al-Khādim (Petrie 1906). Par la suite, Gardiner (1916) en proposa un premier essai de déchiffrement et conclut que ces inscriptions sinaïtiques étaient de type alphabétique, reliées sans doute à des signes hiéroglyphiques égyptiens selon un principe acrophonique. Cette première importante tentative d’interprétation fut acceptée par les études qui suivirent et encore aujourd’hui ses principes de base sont considérés parfaitement valables.

D’autres inscriptions furent retrouvées dans les années 1920-1930 (Butin 1932), dans les années 1950 (Gester 1961), au cours des décennies suivantes (Beith-Arieh 1980) et même récemment (Dalix 2012). Les inscriptions protosinaïtiques sont classées selon l’ordre chronologique de leur découverte (à l’exception des plus récentes), à partir de la numérotation du catalogue de Gardiner 1916 (cf. aussi la collection de Sass 1988).

La plupart des inscriptions ont été découvertes dans le district de Serābiṭ al-Khādim dans la région au sud-est du Sinaï (cf. Sass 1988, p. 9). Récemment, quelques inscriptions provenant de Timna (Wimmer 2010) et de Wadi el-Hol (Darnell, et al. 2005) sont venues s’ajouter au corpus des inscriptions protosinaïtiques.


Tentatives de déchiffrement

Gardiner (1916) fut le premier à proposer le déchiffrement de ces inscriptions. En se basant sur la ressemblance que les signes des inscriptions linéaires provenant de Serābiṭ al-Khādim avaient d’une part avec les lettres phéniciennes et d’autre part avec les signes hiéroglyphiques, il avança l’hypothèse qu’elles pouvaient être alphabétiques et avoir un lien avec les hiéroglyphes égyptiens à travers un principe de type acrophonique. En 1948, W. F. Albright présenta une étude importante sur ces inscriptions et proposa un essai de déchiffrement plus complet que celui de Gardiner. Puis en 1966, il publia une nouvelle version de son travail dans laquelle il soutenait avoir déchiffré au moins 23 des 27 signes qui auraient dû constituer en théorie l’inventaire complet des graphèmes de l’écriture protosinaïtique.

L’état de conservation désastreux des inscriptions, auquel s’ajoutent leur brièveté et l’absence de signes de séparation entre les différentes unités grammaticales, rend impossible une quelconque certitude quant à ces tentatives de déchiffrement. Quoiqu’il en soit, tout le monde est unanimement d’accord sur le fait que les signes protosinaïtiques présentent de fortes corrélations avec les hiéroglyphes (et les signes hiératiques) et que leur valeur phonique dérive d’un principe acrophonique sémitique. Selon ce principe, la valeur phonétique de chaque signe graphique dépendrait du premier son du mot représenté par le signe même, ainsi que ce mot était prononcé lorsque furent inventés les signes. Par exemple, le signe représentant la paume d’une main était utilisé pour indiquer le son /k/ car le mot “paume (d’une main)” se prononçait alors /kapp/.

De récentes tentatives de déchiffrement des signes protosinaïtiques ont été effectuées par G.J. Hamilton (2006) et L.D. Morenz (2019).