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Les écritures anciennes de la Méditerranée

Guide critique des ressources électroniques

Araméen

par: Marco Moriggi (traduit par Nicole Maroger)


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  • Approfondissements

L’araméen est une langue sémitique du groupe nord-occidental dont témoignent de nombreux documents retrouvés principalement au Proche et au Moyen Orient (Syrie-Palestine, Mésopotamie, Égypte, Anatolie, Arabie, Iran, Asie Centrale), datés à partir du Xe – IXe siècle av. J.-C. La langue araméenne est encore de nos jours écrite et parlée tant dans les territoires d’origine les plus anciens que dans certains pays d’émigration.

L’histoire millénaire de l’araméen a été structurée en plusieurs séquences chronologiques. Au sein du débat scientifique, c’est la séquence proposée par Fitzmyer qui a obtenu le plus de succès:

- araméen ancien (env. 925 - 700 av. J.-C.);

- araméen d’empire (700 - 200 av. J.-C.);

- araméen moyen (200 av. J.-C – 200 ap. J.-C.);

- araméen tardif (200 - 700 ap. J.-C.);

- araméen moderne.

Aucune des divisions proposées par Fitzmyer n’indique naturellement une césure nette entre les phases linguistiques. Pour chaque période observée on compte en outre des témoignages de nature variée et d’entité non homogène, ce qui peut conduire, comme dans le cas de l’araméen moyen, à relever une seule variété (par exemple le Standard Literary Aramaic, proposé par Greenfield pour certains documents de l’aire palestinienne du Ier siècle av. J.-C. au Ier siècle ap. J.-C.), mais peut aussi empêcher une analyse linguistique complète. Cette situation a poussé d’autres scientifiques, parmi lesquels il faut rappeler Beyer, à concevoir des structures différentes pour l’histoire de la langue araméenne.

L’araméen ancien comprend toute une série de variétés locales d’araméen utilisées dans des royaumes indépendants de la région syro-anatolienne vivant à l’ombre des grandes puissances mésopotamiennes de l’époque, jusqu’au moment où l’une d’entre elles, l’empire néo-assyrien, met un terme à leur existence politique. En raison, entre autre, des déportations assyriennes et de la mobilité sociale et culturelle entrainées par leurs conquêtes, l’araméen pénètre profondément dans les régions mésopotamiennes, s’imposant, en même temps que le babylonien, comme langue largement répandue au cours de la période immédiatement postérieure (empire néo-babylonien, milieu du VIIe siècle – milieu du VIe siècle av. J.-C.). Bien que certaines variétés aient été repérées déjà dans les documents les plus anciens, l’histoire de l’araméen se développe le long d’une ligne directrice unitaire au moins jusqu’à la fin de l’époque achéménide (milieu du VIe – seconde moitié du IVe siècle av. J.-C.), durant laquelle l’araméen, langue officielle de l’administration perse, suit avec plus ou moins de cohérence les modèles qui trouvent leur origine dans l’usage de la chancellerie impériale. Pour certaines aires, comme l’Égypte, d’excellentes possibilités d’analyse sont fournies par une documentation manuscrite de grande qualité.

Des différences typologiques plus marquées apparaissent dans la documentation de l’araméen moyen, où l’on rencontre des variétés liées à l’affirmation d’entités étatiques telles que le royaume nabatéen (araméen nabatéen), le royaume palmyrène (araméen palmyrène), la seigneurie puis le royaume d’Hatra (araméen hatréen), ou bien circonscrites à des expériences culturelles comme celle de la communauté essénienne de Qumrân.

En revanche, une des caractéristiques majeures de la documentation de l’araméen tardif se manifeste de manière évidente à travers des différences linguistiques selon les aires géographiques. On les distingue en deux groupes: le groupe occidental (aire syro-palestinienne) et le groupe oriental (aire mésopotamienne). L’araméen oriental comprend l’araméen judaïque-babylonien (langue du Talmud babylonien et en général des communautés hébraïques de la région de Babylone) et le mandéen (langue des mandéens, membres d’une secte gnostique installée dans les zones marécageuses à l’embouchure du Tigre et de l’Euphrate). Quant à l’araméen occidental, il comprend l’araméen judaïque-palestinien (langue du Talmud de Jérusalem et des Hébreux installés dans la région syro-palestinienne), l’araméen chrétien palestinais et le samaritain. Bien que traditionnellement inséré dans le groupe araméen oriental, le syriaque est aujourd’hui catalogué de préférence dans une position intermédiaire, entre l’araméen oriental et l’araméen occidental, en raison de ses caractéristiques typologiques apparentées en partie à l’une et en partie à l’autre des aires linguistiques.

On peut relever des différences plutôt marquées du point de vue phonologique, morphologique et syntaxique entre l’araméen tardif et l’araméen moderne (néo-araméen). Il n’existe que de très rares et incertains témoignages du passage entre des phases antérieures de l’araméen et des variétés parlées à l’époque moderne et contemporaine. Ces dernières se divisent en dialectes, définis surtout sur une base géographique: le néo-araméen occidental (parlé dans trois villages de l’Antiliban syrien), le néo-araméen central (documenté dans la région montagneuse comprise entre la Syrie nord-occidentale, le Turquie sud-orientale et l’Irak nord-occidental) et le néo-araméen nord-oriental (Irak nord-oriental et aire du lac d’Ourmia).

Un grand nombre de documents épigraphiques parvenus jusqu’à nous a été rédigé en langue araméenne. De plus, des textes sur papyrus, parchemin, ostraka et autres supports ont été conservés.

Entre autres documents, des parties significatives des livres bibliques d’Ezra et de Daniel, l’apocryphe de la Genèse et d’autres textes qumraniques, les Targumim (traductions araméennes du texte biblique) d’Onqelos (Pentatheuque) et de Jonathan (Prophètes), des secteurs importants du Talmud babylonien et de Jérusalem, des textes midrashiques, l’Histoire et les Proverbes d’Ahiqar, de nombreuses oeuvres de littérature religieuse chrétienne ancienne, des documents historiques d’importance fondamentale comme la version araméenne de l’inscription de Darius Ier à Behistun retrouvée en Égypte, des documents administratifs et commerciaux qui offrent des aperçus non négligeables sur la vie économique de l’antiquité, des textes religieux de cultes disparus mais importants pour décrire le contexte de la naissance et du développement des monothéismes contemporains (en premier lieu l’hébraïsme et le christianisme), etc., ont été écrits en araméen et conservés.

Tout au long de son histoire, l’araméen a été en contact avec des langues de différentes cultures sémitiques et non sémitiques auxquelles il a emprunté certaines particularités, laissant à son tour des traces de son influence dans leur patrimoine. Il faut souligner en particulier les rapports entre l’araméen et des langues telles que l’hébreu, l’arabe et l’akkadien (langues sémitiques), ou bien le persan, le grec, le turc, le kurde (langues non sémitiques). Comme l’hébreu et, en parallèle, avec le grec, l’araméen a joué en fin de compte un rôle de premier plan dans l’histoire religieuse du Moyen Orient ancien.



Les Écritures

  1. Araméen


Approfondissements

  1. Bibliographie
  2. Ressources en ligne